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15 mai 2008

Cannes, 60 ans déjà passés, attend 60 cinéphiles surexités

Salut!   

J'ai enfin compris comment poster un message :p !

Pas trop d'inspiration alors je fais court. Je m'appelle Tania j'ai 19ans et je suis Bretonne !

Voici mon texte: "Cinéma mon amour" (j'ai un peu plagié Alain Resnais :( )

Cinéma mon amour

Cannes 61ème édition, une nouvelle heure commence…

   « Si mettre en scène est un regard, monter est un battement de cœur » alors visionner un film est une émotion ; ajouterais-je à cette magnifique phrase de Jean Luc Godard. Du rire aux larmes, de la féerie à l’horreur, de la comédie au drame, le cinéma a su me faire basculer dans tous ces états. Aimer le cinéma c’est apprendre à vivre et ne pas oublier de rêver dans un monde où, sans cesse, nous courons après le temps. L’aiguille nous nargue et jamais ne s’arrête. Inexorablement elle exécute ses soixante battements. Comme dans un rêve, le cinéma, au contraire se joue du temps, le transformant à chaque moment. « Le cinéma en tant que rêve, le cinéma en tant que musique. Aucun art ne traverse comme le cinéma, directement notre conscience diurne pour toucher à nos sentiments au fond de la chambre crépusculaire de notre âme. » Ces propos d’Ingmar Bergman me semblent parfaits pour définir l’oeuvre d’Emir Kusturica. Comme il l’a fait avec Arizona Dream, j’aimerais à mon tour vous guider à travers mon rêve, mon pays imaginaire.

   Tout commence dans le noir. Je suis le poisson dont les deux yeux sont situés du même côté de la tête. Un ballon rouge m’entraîne au-delà de l’Océan Pacifique. En chemin il poursuit une cigogne retardataire pour me déposer en 1947, dans un train forain. L’arrivée en gare du train des frères Lumière ainsi que Vertov et les ciné- trains ne seraient-ils pas si loin ? Peut-être, mais à cette époque là le festival de Cannes n’existait pas. Cette première édition récompense Dumbo, petit éléphanteau complexé par ses grandes oreilles. Dessin animé profondément émouvant car comme bon nombre des héros de Walt Disney (Bambi, Simba, Les 101 dalmatiens…) il est séparé de ses parents et doit apprendre à se débrouiller tout seul. Je me transforme en souris pour l’aider. A l’amusement de tous je donne une bonne leçon aux commères pachydermes, puis rassasie de cacahuètes le petit éléphant avant de l’emmener voir sa mère à travers les barreaux lugubres de sa prison. Tant d’émotions me font voir « la version technicolor de la marche des éléphants ». Ces bulles dansantes semblent sortir tout droit d’un morceau de bravoure des comédies musicales hollywoodiennes. Chez Disney tout est possible, je vois donc « voler un éléphant ».

   Mon ballon rouge reprend son vol au dessus de l’océan suivant une nouvelle vague, pour me mener, après un touchant retour en enfance, à François Truffaut. 1959, le festival de Cannes  a 12 ans, âge de l’école buissonnière, âge ingrat de l’adolescence, âge des 400 coups. Je suis le manège centrifugeur dans lequel Antoine Doisnel perdra toute notion de gravité pour se mettre la tête à l’envers. Je suis une sorte de praxinoscope détaillant une histoire simple mais belle. Elle commence par un mot sur le mur d’une classe (« Ici souffrit le pauvre Antoine Doisnel injustement punit par petite feuille pour une pin-up tombée du ciel. Entre nous ce sera dent pour dent, œil pour œil. »), fait un détour derrière les barreaux d’une prison (négatif de l’image du praxinoscope) et s’achève avec l’arrêt sur image d’un adolescent évadé qui ressemble à un enfant mais dont l’existence est déjà aussi compliquée que celle d’un adulte et qui, pour la première fois de sa vie, voit la mer.

   Tout comme Doisnel mon ballon rêve d’évasion, il m’emporte loin de France et des années soixante. J’atterris en 1978, au Japon, pays de L’empire de la passion. Nagisa Oshima me hante de visions brumeuses, « flammes sur un fond très noir ou très sombre ». Le saké a fait son effet, la corde au cou, passion douloureuse. Contrairement à l’onagata ; acteur au visage d’un blanc immaculé dont la bouche et les yeux sont fémininement colorés qui, une fois sorti de scène, n’y revient jamais pour saluer son public, Gisaburo ne cesse de retourner sur les lieux de sa mort. Fantôme de chair et de sang, il trouble la liaison passionnelle qui aurait du se poursuivre entre ses deux assassins. Il rougit de ses yeux la nature terreuse qui entoure les amants. La preuve du crime ressortira des abysses de la terre, cadavre d’un pousse- pousse précipité au fond d’un puits. Je suis les feuilles mortes qui le recouvrent.

   Mon ballon me remonte à la surface, en 1995. Une île en forme de l’ex Yougoslavie où tout le monde se pardonne. Serait-ce le paradis ? Pour Emir Kusturica sûrement, après un si long séjour dans l’Underground de Belgrade. Je suis le singe qui les libère et mets ainsi en pratique une des phrases favorites de Nagisa Oshima : « Tels les poissons des abysses, nous ne pouvons trouver la lumière tant que nous ne brillerons pas par nous-mêmes. » Du haut de mon tank je provoque la chute du mur qui maintenait tant de réfugiés prisonnier. Du haut de mon tank je révèle la vérité que si longtemps Marko leur a cachée. Du haut de mon tank j’ordonne à la lumière de briser les mensonges.

   Mensonges créateurs de tank. La guerre est un jeu, le camp de concentration un terrain de cache-cache. Mon ballon rouge se rend en Italie. 1998, plus d’un demi siècle de festival et pour Roberto Benigni La vie est belle. Il a su montrer la guerre avec humour et légèreté. Des princesses sont tombées du ciel. Un inspecteur s’est donné en spectacle pour rendre le sourire aux enfants. Pris dans le tourbillon de l’amour, des amuse-bouches se sont transformés en caniche. Je suis l’enfant naïf qui bien sagement obéit à son père pour obtenir ses mille points. Quand tout sera fini, je repartirai comblé, perché sur mon tank, défilant tel Jules César, conquérant vainqueur. Digne d’un empereur romain, Benigni reçoit sa palme d’or. Il nous offre la plus émouvante cérémonie de remise des prix en se jetant en larmes aux pieds du président du jury.

   

   Mon ballon s’est acclimaté au soleil et part donc faire un tour en Israël. 2007, 60ème anniversaire du festival de Cannes, 60 ans comme les 60 minutes d’une heure. Cette heure touche à sa fin. Point de remords, elle fut riche en émotion et mérite donc de se clôturer avec La visite de la fanfare dirigée par Eran Kolirin. Je suis la petite ville de Betah Tikvah. Mon nom, ou plutôt la confusion que crée sa prononciation est à l’origine de la venue de cet orchestre. Je suis silencieuse, pas un souffle de vent, quelques simples notes m’animeront comme une symphonie, j’accueille ces musiciens aux costumes bleus. Bleu azur comme un ciel sans nuage. Espoir de paix entre Egyptiens et Israéliens ? L’humanisme et l’humour avec lesquels ce sujet est traité font ressortir une autre question : celle de l’effacement des traditions arabes. Ainsi Dina évoque les films de son enfance peu à peu tombés dans l’oubli.

   Or il me semble que le comble pour un film c’est d’être effacé des mémoires, car comme l’a dit André Bazin, grâce au cinéma « Pour la première fois, l’image des choses est aussi [devenue] celle de leur durée et comme la momie du changement ». Ontologiquement, le but du cinéma était d’enregistrer les images en mouvement sur la pellicule pour nous permettre de nous souvenir. Voilà pourquoi, quelle que soit la distance qui me sépare des films : qu’ils soient muets ou non colorisés, qu’ils soient africains, asiatiques ou américains, je ne les oublie pas. Même cette aiguille qui me nargue et jamais ne s’arrête, qui inexorablement exécute ses soixante battements, ne me fera oublier. L’heure qui s’écoule peut paraître courte ou longue mais ce qui est certain c’est qu’à peine achevée une nouvelle démarre. Pour Cannes elle commença en 1947, sans crier gare la trotteuse fit un tour de montre ; que nous réserve donc la soixante et unième minute et toutes les suivantes ? Je ne le sais car je suis le poisson dont les deux yeux sont du même côté de la tête (celui du passé), mais dans mon rêve, Le voyage du ballon rouge n’a pas de fin.

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